Le chemin de Zaccaria 9








Après une journée de travail, j'aimais m'asseoir confortablement sur le vieux canapé du salon devant la télévision. La pièce était très étroite, il s'agissait d'une entrée que nous avions transformée en salon. Nous avions abattu en parti un mur pour créer une ouverture sur la cuisine salle a manger où trônait délicieusement un Erard trois quart de queue.
En général la fatigue me conduisait rapidement dans les bras de Morphée. A mes côtés mon compagnon me prêtait volontiers son épaule où ma tête s'appuyait lourdement comme un gros bourdon sur une fleur des champs. C'était une épaule particulièrement protectrice ce soir là. Je sentais sa présence, et la chaleur de son corps réchauffait le mien.

La nuit était tombée depuis déjà longtemps car la petite cour était plongée dans l'obscurité. De temps en temps des chiens qui aboyaient dans le voisinage, me réveillaient, j'entrouvrais un oeil dont la paupière retombait aussitôt. J'avais à peine le temps de percevoir quelques sons ou quelques voies en provenance de l'écran que je retombais dans un profond sommeil.

Lorsque l'épaule glissa légère de dessous ma tête, celle-ci  retomba mollement sur un coussin qui avait été placé là avec une grande délicatesse. Je ne pus même pas ouvrir un œil tant la fatigue avait gagné tout mon corps.
J'entendis  le léger grincement de la porte fenêtre, puis le couinement de la moustiquaire. 
Quelques pas imperceptibles  disparaissaient au fond de la cour. J'étais éveillée, les yeux fermés, lourds de sommeil, je décidais d'attendre son retour pour aller me coucher. Il était parti fumer une cigarette avant de trouver lui aussi le sommeil réparateur.
Le programme était fini depuis quelques temps et l'attente commençait à devenir longue. 
Je décidais de rassembler mes forces et d'ouvrir un oeil puis l'autre. J'éteignais la télévision et le silence de la nuit emplissait la pièce d'une paix profonde.
Il ne revenait toujours pas de sa pause cigarette. Je commençais à m'inquiéter. Je décidais d'aller à sa rencontre. Le grincement de la porte fenêtre, puis le couinement de la moustiquaire, je traversais la cours, je contournais la maison, j'explorais le terrain abandonné à l'arrière, je revenais le long du passage vers la rue. Rien. Il avait disparu.

Je ne voulais pas l'appeler pour ne pas risquer de réveiller  ses parents ou les voisins.

Je restais là, sans comprendre où il pouvait être. Pourquoi était-il parti se promener à une heure aussi tardive alors que nous nous levions tôt le lendemain matin, comme tous les matins d'ailleurs.
J'attendais sur le trottoir avec une certaine inquiétude. 

Une idée étrange survint et me propulsa en avant. Je me dirigrais vers la maison. J'ouvrais la moustiquaire, puis la porte, traversais le petit salon plongé lui aussi dans l'obscurité, puis la salle à manger. J'arrivais dans le couloir. J'ouvrais la porte de la chambre. 

Là, avec la plus tranquille des réactions, mon compagnon se retourna dans le lit en tirant les couvertures vers lui et en me disant " viens te coucher.

-" Comment as-tu fais pour arriver dans la chambre sans que je te voie?" Tu es passé par la fenêtre ??
- " Quoi? De quoi tu parles? Viens te coucher."
-" Non, je veux savoir comment tu as fait pour venir te coucher sans que je te voie?"
Je l'avais à moitié réveillé mais il ne comprenait pas mes questions.

-" Le film ne me plaisait pas, alors je suis allé me coucher tôt "
-" Comment tu es allé te coucher tôt ? Si tu étais à côté de moi jusqu'à la fin du film!"
-" Non, non, tu as rêvé, je suis allé me coucher au début du film et je t'ai laissée à moitié endormie sur le canapé."
-"Impossible, ma tête était sur ton épaule et tu es sorti fumer une cigarette à la fin du film."
" Non, non, tu as rêvé. J'ai arrêté de fumer, tu le sais et en plus je me suis couché tôt."

Je referme la porte de la chambre doucement et je me couche moi aussi.

Le lendemain je ne pensais plus vraiment  à cet événement étrange de la veille.

 Ma belle mère, une femme merveilleuse d'une certaine opulence s'avance et frappe à la porte fenêtre. Je lui dis d'entrer. Après avoir parlé de plusieurs choses elle me tend une lettre.  C'était une lettre blanche avec un liseret noir sur son pourtour.  Préoccupée je regarde immédiatement l'expéditeur. La lettre venait de l'Allemagne. C'était l'écriture de notre cousine ou de notre famille.
 Non, cette lettre n'était pas envoyée par notre famille, mais par la famille de notre cousin. J'ouvrais la lettre. Il s'agissait de notre cousin  par alliance Rüdiger que j'aimais beaucoup. 
Les souvenirs d'enfance envahissaient ma mémoire. Les pintes de bière immenses qu'il aimait boire, Les promenades et les repas de famille. Une immense tristesse secouait mon coeur. 
Il était encore jeune et dans la force de l'âge, le faire-part de décès ne précisait pas comment les événements s'étaient précipités.
Une lettre de sa soeur accompagnait le faire-part.
La tristesse qui remplissait mon coeur  égrainaient de grosses larmes le long de mes joues. 

Cette tristesse  s'estompa brusquement pour laisser place à une vision étrange. Une vision intérieure accompagnée d'une certaine douceur qui étendait ces bras dans la pièce et la remplissait soudainement de lumière et de joie.
-" C'est toi qui était assis à côté de moi, hier soir"
La réponse intérieur ne tarda pas
- " oui"
-" Rüdiger ! "

Une grande joie inonda mon esprit et mon corps. Mon être percevait le sien et me transportait légère au delà de la réalité. J'étais plongée dans une joie intense .

-" Merci d'être venu me dire au revoir"

Je souriais. Je lui souriais. 

En réalité je souriais dans le vide. 

Puis la sensation s'éloigna, je lui dis 
-"au revoir, à bientôt."

L'impression disparut et je déposais mon mon corps lourd et triste sur la première chaise devant moi. Je restais un instant comme suspendue, le regard vide, sans énergie. 

Le moment de l'émotion passée, la vie reprit son cours quotidien. 

Je garde toujours en moi ces instants de rencontre comme un cadeau précieux.


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